Le pastel des teinturiers

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Remplacer l’indigo par la fécule bleue provenant du pastel des teinturiers

Indigoterie : série de bassins permettant d'extraire l'indigo (Jean-Baptiste du Tertre Histoire générale des Antilles 1667)
Indigoterie : série de bassins permettant d’extraire l’indigo (Histoire générale des Antilles 1667)

Le 21 novembre 1806, Napoléon avait décrété le Blocus continental, mesure adoptée pour priver l’Angleterre de toute communication avec le continent. De ce fait, certains produits faisaient défaut tel l’indigo, une variété de colorant bleu. Le gouvernement proposa d’y substituer la fécule bleue provenant du pastel des teinturiers. C’est à partir des feuilles que l’on tire le colorant bleu . En 1811, le gouvernement lança un concours pour développer la culture du pastel. Nicéphore fera le commentaire :

« […] il fut question d’extraire l’indigo du pastel. Nous devions naturellement être jaloux de participer à des recherches dont le résultat paraissait lié à la prospérité du commerce et des arts industriels.
Celles que nous fîmes furent longues, mais elles ne furent point infructueuses sous le rapport qui nous intéressait le plus ; car des echantillons de cette matiere colorante que l’on adressa des bureaux de la sous-préfecture au ministère de l’Intérieur, nous valurent les encouragemens les plus empressés et les plus flatteurs. »

Le but était d’améliorer le rendement de production du colorant. Les frères Niépce transmettent au ministère de l’intérieur des échantillons de la fécule colorante qu’ils ont réussi à extraire des feuilles de la plante, ainsi qu’un rapport expliquant comment ils ont obtenu cette matière colorante.

Pastel des teinturiers (Isatis tinctoria)
Pastel des teinturiers (Isatis tinctoria) © Matt Lavin

« J’ai lu avec intérêt les observations de M.M Niépce-Barrault, que vous m’avez adressées le 28 novembre, sur l’époque la plus convenable pour couper les feuilles du pastel, et sur les moyens d’en extraire la fécule colorante sans l’intermède d’aucun précipitant ; elles sont, comme vous dites très-bien, une nouvelle preuve de leur sagacité et du zèle qui les anime. Veuillez leur annoncer que je les transmets à la commission chargée de l’examen de toutes celles de la même nature qui ont été faites en divers lieux, et d’indiquer ce qui est le plus propre à établir complètement la théorie de la fabrication de l’indigo-pastel, et à en perfectionner la pratique. »
Réponse du ministre de l’intérieur. 7 décembre 1811

Le concours instauré par le gouvernement n’apporta pas de résultats prometteurs. En 1813, celui-ci décida cependant de relancer l’intérêt pour la culture du pastel et l’extraction de l’indigo, en accordant des primes : trois à cinq francs suivant la qualité et à condition de produire au moins cinquante kilogrammes de bleu par an. Le 24 avril 1813, le préfet lui-même incita les frères Niépce à retravailler sur ce projet . La culture du pastel reprit de plus belle à Saint-Loup de Varennes. Cinquante-six ans plus tard, en 1867, l’historien Fouque témoigna : « […] la culture du Pastel-Indigo, – nous racontons de visu, – a laissé de nombreuses traces dans ce qui constituait autrefois le beau domaine Niépce, au Gras, commune de Saint-Loup-de-Varennes. Les jardins de la résidence de cette famille, les champs, voire même les fossés de la grande route, sur une étendue de plusieurs kilomètres, renferment des plants de Pastel […] qui se reproduisent naturellement sans culture, depuis plus d’un demi-siècle. »

L’année 1812 avait sonné le déclin de l’Empire. L’Empire s’effondrait mettant ainsi fin au blocus. La culture du pastel devint inutile.